La recherche fondamentale

Fondamentale pour la survie de l’humanité.
(C’est un peu comme la science-fiction !)

Des scientifiques à vélo ou à pied, convergeant vers Paris à l’occasion de la fête de la science entre le 27 septembre et le 19 octobre 2014, pour interpeller les pouvoirs publics sur la situation critique de la recherche en France, ça peut faire sourire. C’est sûrement moins médiatisé que les blocages routiers, ferroviaires ou aériens dont l’impact sur la vie quotidienne du citoyen n’est plus à démontrer.

Au risque d’en fâcher certains (mais j’assume), j’oserai dire que la différence entre les revendications corporatistes à court terme des moyens de transport, et l’alerte raisonnable (et raisonnée) de nos scientifiques réside dans la capacité à se projeter dans l’avenir.

Sachez que lorsqu’une découverte apparait aux yeux du grand public (vous et moi), il y a probablement 20 ans qu’elle en gestation (idée, intuition, recherche, expériences, tests, industrialisation, commercialisation… et j’en oublie sûrement).

Mais je vais aller plus loin avec un exemple. Le GPS, que la plupart de nos contemporains utilisent, est en gestation depuis… 2000 ans ! Certes, nous pourrions sans doute nous en passer, comme nous pourrions nous passer de l’ordinateur, de la télé, de la radio, de l’automobile, des avions, de l’électricité, de la roue… et continuer à vivre dans nos cavernes.

[Aparté]

-Grmf ne sort pas de la caverne c’est dangereux

-Mais Cromf, je suis curieux, j’ai envie de voir ce qu’il y a au-delà.

-Ce n’est pas raisonnable : il faut appliquer le principe de précaution.

[Fin de l’aparté]

1-Euclide et le GPS, deux mille ans d’histoire en raccourci.

Deux droites parallèles ne se rencontrent jamais (ou « se rencontrent à l’infini » ce qui revient au même), la somme des angles d’un triangle est égale à 180°. Voici des affirmations qui nous sont familières et qui découlent directement de la géométrie d’Euclide, mathématicien grec ayant vécu il y a environ 2300 ans.

On aurait pu s’arrêter là… et vivre à tout jamais dans le plan euclidien. Sauf qu’il n’y a pas que le plan dans la vie. Tracez un triangle sur une sphère, la somme de leurs angles est supérieure à 180°. Divers mathématiciens se sont posé les bonnes questions à travers les siècles et ont posé les bases de géométries non euclidiennes. Sans ces géométries, notre Einstein n’aurait pas eu les outils mathématiques nécessaires au développement de ses théories relativistes. Or parmi les nombreux résultats qui découlent de ses théories, il y a la déformation de l’espace-temps liée à la proximité des masses. C’est bien entendu mesurable à grande échelle, même si vous et moi générons une petite déformation qui peut être sensible dans certaines expériences sur les particules. Notre Terre, notre Soleil, provoquent eux de grosses déformations. Le résultat est que les lignes ne sont plus droites. Les rayons lumineux ou électromagnétiques, ne se propagent pas en ligne droite, mais en suivant les courbes de cette déformation, appelées géodésiques. Cet effet a été mis en évidence par Einstein lui-même lors d’une éclipse de Soleil. Cette éclipse permit d’observer Mercure, dont la position apparente était très proche du soleil. Or la position observée ne correspondait pas à la position théorique qu’on aurait obtenue si les rayons lumineux s’étaient déplacés en ligne droite.

Revenons à notre GPS. Il fonctionne par triangulation : en calculant les distances qui vous séparent de plusieurs satellites de référence et en recoupant les informations, on en déduit votre position. Bien entendu, si l’on utilise la mécanique newtonienne, et que l’on considère que les signaux se déplacent en ligne droite, le calcul est faux et votre GPS vous donne une position approximative.

Si l’on rajoute à cela (toujours d’après Einstein), que la durée propre des processus se trouvant en altitude est différente de celle des processus de surface (on ne peut pas synchroniser une horloge atomique embarquée dans un satellite et une autre à la surface de la Terre –pour faire simple, le « temps » n’est pas le même), on se rend compte que Newton n’aurait pas pu faire fonctionner un GPS.

Qu’auraient pu rétorquer Euclide et ses successeurs si on leur avait demandé l’utilité de leurs recherches ? Ils ne pouvaient pas imaginer l’usage qui en découlerait des siècles plus tard, mais nous, on est bien content d’utiliser ces objets de la vie courante qui nous simplifient les choses.

2-Rosetta, Philae, inutiles ?

Près d’un milliard et demi d’euro pour envoyer un petit robot sur un caillou antipathique après six milliards et demi de kilomètres dans l’espace (et encore, toutes les mesures prévues n’ont pas pu être faites), est-ce bien raisonnable ? On peut bien sûr objecter qu’un milliard et demi sur vingt ans ramené au nombre d’Européens, ce n’est pas beaucoup, et que, comme le disait l’astrophysicien André Brahic : « Il y a des banquiers qui ont dépensé plus en moins de temps et qui ont fait moins bien ! »

Mais je ne vais pas parler de gros sous. Nous nous trouvons dans la position d’Euclide : « Votre machin, à quoi ça sert ? » Sans minimiser l’importance des retombées à court terme, dont la moindre n’est pas la connaissance de nous-mêmes (et par là de la compréhension de ce que nous sommes biologiquement), je voudrais ouvrir les perspectives sur l’avenir.

3-En conclusion.

Un jour, un de nos lointains descendants fera le même constat que nous faisons aujourd’hui sur Euclide. Nul ne peut prédire quelles découvertes auront été faites à ce moment ni laquelle des pistes explorées aujourd’hui sera la plus fructueuse (une partie de chacune sans doute). Si investir dans la recherche à court terme n’est pas négligeable, loin de là, négliger la recherche à long terme est une forme de suicide pour une civilisation.