Du bon usage de la quincaillerie galactique

Ou : comment cuisiner un film de SF.

Mesdames, Messieurs, bonsoir. Je constate qu’il y a encore un peu d’agitation dans la salle. Vous ne vous êtes pas remis de ma brillante démonstration sur Blue Velvet de l’article précédent ? Comment ? Pas tous à la fois ! Vous n’êtes pas venu suivre des cours de cuisine ? Ah ! Je vois ! C’est le mot quincaillerie qui vous inquiète. J’aurais du m’en douter. Pourtant, en amateurs de films de science-fiction, vous n’avez pu manquer de constater l’utilisation assez systématique de matériel hétéroclite et clinquant : pistolaser, soucoupes volantes, scaphandres argentés, ceinture anti-gravité, matériel informatique de pointe, communicateurs émettant des bips inutiles etc. C’est ce que je nomme : la quincaillerie galactique.

Et j’irai encore plus loin en rajoutant à cette quincaillerie matérielle une quincaillerie biologique : extra-terrestres hideux, monstres aux yeux pédonculés, petites nanas bien roulées dont la plastique est inversement proportionnelle à l’intérêt de leur rôle, super-héros idiots…

Des générations de réalisateurs ont utilisé ce matériel (et l’on peut prévoir que ce n’est pas fini). Certes, la quincaillerie galactique a un côté visuel attractif (et le visuel a son importance dans un film) mais son excès peut expliquer la vision simpliste de la SF qu’ont les non-initiés, vision issue de certains films qu’ils n’hésitent pas à étendre à la littérature.

Mais alors, me direz-vous, un bon film de SF doit-il se passer de quincaillerie ? Hé bien non ! Même la meilleure cuisine utilise de la quincaillerie (vous voyez on y vient quand même) : il faut des ustensiles pour préparer et d’autres pour servir. De plus, un met paraît d’autant plus délicieux qu’il est présenté dans un décor attractif.

Nous y voilà ! La quincaillerie galactique doit rester un décor, rien qu’un décor. Elle doit mettre l’action en valeur et non la remplacer. Le sujet est vaste et je me contenterai d’évoquer quelques exemples de films pour lesquels cette quincaillerie est un élément important du décor.

Le space-opera se prête particulièrement à l’utilisation de tout ce matériel. Un space-op sans pistolaser ou vaisseau gigantesque ce serait comme un James Bond sans gadget. Il manquerait quelque chose au spectateur. Oui ! Le scénario doit être à la hauteur mais le visuel aussi. On pense bien sûr à Star Wars mais les séries télé Babylon 5 et Battle Star Galactica ne sont pas exemptes de ces décors grandioses. A chacun des réalisateur de créer sa propre marque de fabrique : les lasers découpent ou tirent à petits coups de lumière, les missiles fusent ou fument à l’ancienne, les vaisseaux spatiaux brillent ou ressemblent à des épaves volantes et le design des costumes permet de reconnaître au premier coup d’œil s’il s’agit de la mode Star Wars, Babylon, ou Battlestar.

Si le scénario est bon, le spectateur sera prêt à croire au décor, à y entrer et la suspension d’incrédulité fera sont œuvre. Inversement, un scénario banal ou sans ambition créera du recul entre le film et le spectateur qui sera plus enclin à y voir les défauts. Ce n’est pas un hasard si dans Independence day on en est tous à se demander comment un McIntosh peut se connecter à un ordinateur extraterrestre !

Un autre terrain de prédilection de cette quincaillerie est le film de super-héro. L’outrance qui est souvent de mise ici n’est pas forcément gênante dans la mesure ou il est clair que ces aventures sont issues des comics et qu’il s’agit à l’écran d’en faire ressortir les aspects particuliers. On notera cependant que l’évolution des codes sociaux se sont traduits par des films aux héros plus complexes et plus sombres, moins manichéens, même si l’on conserve (c’est incontournable) les costumes typiques que sont les collants chromos. Il y a d’ailleurs certaines actrices et acteurs à qui ça va plutôt bien… non ? Côté matériel il y a de quoi faire son marché. Existe-t-il une liste exhaustive des pouvoirs et armes utilisés par tous ces personnages bons et méchants confondus ?

Par contre, la sanction pour mauvais scénario est encore pire que pour le space-opera : il en faut si peu pour transformer un super-hero en idiot congénital en caleçons !

Je ne peux terminer cet article sans parler d’H2G2 (Hitch-Hiker Galactic Guide), version cinématographique de l’œuvre de Douglas Adams (en français : Le guide du routard galactique). Dans ce film inclassable la quincaillerie EST un personnage. Le scénario délirant est bâti autour d’un décor de dingue issu d’une imagination débordante : que ce soit l’ordinateur qui répond 42 à une question qui doit être trouvée, le générateur d’improbabilité, les baffes à idée, les dauphins qui quittent la Terre en remerciant pour le poisson et j’en passe… On est dans le délire et la traduction visuelle de ce délire est un vrai régal.

Je vous souhaite bon appétit.