Le principe anthropique

Une divagation astrométaphysique ?

Le propre de l’Homme est de se poser des questions… et parfois d’y répondre, mais pas toujours. Ainsi, on peut se demander pourquoi il y a quelque chose plutôt que rien, si l’univers existerait si personne n’était là pour l’observer, ou si la coccinelle de Gotlib a réellement mis des brocolis dans son minestrone…

Bref ! Nous allons aujourd’hui disserter autour du principe anthropique, une question à la fois astrophysique et métaphysique, mais, vous vous en doutez, à laquelle je n’apporterai pas de solution définitive.

1-Brève définition

Le principe anthropique nous dit que, puisque nous sommes (nous, les humains) observateurs de l’univers, cet univers possède des paramètres qui doivent aboutir à notre existence. Ça vous semble d’une évidence criante ? Vous croyez que forcément, si nous sommes là, c’est que l’univers est compatible avec notre existence ? C’est un fait, mais relisez : « doivent » ! En d’autres termes : le principe anthropique affirme que les paramètres de l’univers, ainsi que d’autres facteurs, sont ajustés de telle sorte que l’apparition d’un observateur (nous par exemple) est inéluctable.

Rentrons un peu dans le détail.

2-Un ajustement fin

Admettons que la formation de l’univers se soit effectuée totalement au hasard. Les différents paramètres qui lui donnent son aspect treize milliards d’années plus tard seraient donc parfaitement aléatoires. Il s’agit par exemple de sa densité, de sa vitesse d’expansion, de la valeur des charges électriques du proton et de l’électron, de la masse du neutron et du proton, de l’importance relative des quatre forces fondamentales (électromagnétique, nucléaire forte, nucléaire faible, gravitation), etc.

Il s’avère que, si les valeurs que nous observons aujourd’hui pour ces différents paramètres avaient été un chouia différentes, l’apparition de la vie (et donc de ce fameux observateur privilégié) aurait été impossible. Et attention, quand je dis un chouia, il s’agit d’un pouième de micro-chouia.

Un exemple : si les charges de l’électron et du proton avaient été différentes ne serait-ce qu’au onzième chiffre après la virgule, un problème de charge électrostatique empêcherait la formation des galaxies, des étoiles, des planètes… Alors la vie, où la mettre ?

Un autre exemple : des valeurs différentes des masses du neutron et du proton auraient tout simplement empêché la formation des éléments chimiques… Alors la vie, comment la concevoir ?

Dans d’autres scénarios, la force de gravitation ne permettrait pas la formation d’étoile suffisamment stable pour que la vie ait le temps de se développer, et ainsi de suite.

La probabilité que l’ensemble de ces paramètres soit tous ensemble si bien ajustés est tellement infime, qu’il est tentant d’y voir une nécessité plutôt qu’un hasard.

3-Des circonstances heureuses

Mais allons plus loin. Nous avons récemment, dans ces articles, parlé des comètes. Quelle chance auriez-vous de contempler paisiblement un beau ciel d’été si Jupiter n’avait pas fait le ménage en capturant une partie du ciel prêt à nous tomber sur la tête ? Bon d’accord, on a perdu les dinosaures ! Mais nous sommes là !

D’autre part la taille de la Lune (proportionnellement très grosse par rapport à sa mère la Terre si on la compare aux autres satellites des planètes du système solaire) a joué le rôle d’un providentiel stabilisateur pour éviter que l’axe de la Terre se balade dans tous les sens. Je ne vous explique pas le foutoir qui en aurait résulté si le climat avait changé tous les quatre matins.

Tous ces heureux hasards en sont-ils ? C’est la question que pose le principe anthropique (dans sa version forte).

4-Pour sortir de la nécessité

Il faut quand même être conscient qu’une théorie n’est scientifique que si elle est réfutable. Ah ben oui ! Sinon on se place dans le domaine de la croyance ou de la foi, ce qui est très respectable en soi, mais qui n’est pas notre propos ici.

Alors, bien sûr, il existe tout un tas d’autres théories qui permettent d’ouvrir le débat.

Quelques pistes de réflexion.

On a considéré, dans le principe anthropique, que tous ces paramètres si bien ajustés étaient indépendants les uns des autres (ce qui rendait leur ajustement conjoint très improbable). Cependant les théories d’unification n’en sont qu’à leur balbutiement. On a déjà unifié l’électrique et le magnétique en électromagnétique, l’électromagnétique et la force nucléaire faible en force électrofaible. Les paramètres que l’on croit indépendants auraient-ils une liaison secrète (qui remonterait sans doute à 13 milliards d’années) ce qui les rendrait beaucoup moins aléatoires.

Et puis, cerise sur le gâteau, cette fluctuation quantique qui serait à l’origine du big bang est-elle unique ?

Imaginez (enfin non n’essayez pas) le vide quantique, d’innombrables (une infinité peut-être de) fluctuations quantiques, chacune donnant naissance à un univers avec des paramètres aléatoires. Il en suffirait d’un qui fonctionne pour que les observateurs qui en résultent en soient stupéfaits, sans se douter des milliards d’autres qui sont stériles.

Mais je suis au regret de vous annoncer que, dans l’état actuel de la science, si ces autres univers existent, ils sont inaccessibles. Le mystère du principe anthropique risque donc de le rester encore un moment.