Higgs

Dit, Monsieur ! Dessine-moi un boson !

Tout le monde en parle mais personne ne sais ce que c’est. La plupart d’entre vous a découvert le mot « boson » en même temps que les médias, brusquement très prolixes sur la confirmation de l’existence du boson de Higgs dont on parle (dans les milieux autorisés) depuis plus de cinquante ans. Comme à mon habitude, je vais essayer de vous faire toucher du doigt… ce qu’on ne peut pas toucher !

1-Particules.

Tordons tout de suite le cou à une idée reçue, ce qui ne va pas vous mettre à l’aise. Quand nous parlons de particules, nous ne parlons pas de corpuscules. Mettez au panier la représentation des atomes comme un noyau de petites boules qu’on assemble, avec d’autres minuscules boules satellisées, qui seraient les électrons. Si vous avez lu les romans de Van Vogt sur le non-A, vous vous rappellerez que « dans l’intérêt de la raison » il faut éviter de considérer une chaise comme une simple chaise. C’est en fait un ensemble atomique compliqué.

Il est encore plus difficile de concevoir que notre environnement qui nous semble solide, n’est peut-être que le résultat de vibrations du substrat de l’univers que l’on pourrait nommer : continuum spatio-temporel.

Je vous ai perdus ? C’est normal. Contentez-vous de retenir que les particules dont nous allons parler ne sont pas des billes.

Ces particules que l’esprit humain ne peut se représenter, ont pourtant une réalité physique et peuvent être décrites par des équations mathématiques. Ce qui signifie que l’on peut prévoir leur comportement ainsi que le résultat d’expériences diverses. C’est ainsi que l’on est capable de fabriquer des objets de la vie courante comme l’ordinateur et le GPS (je vous parlerai un jour de la raison pour laquelle les contradicteurs d’Euclide, 2000 ans auparavant, sont à l’origine de ces objets technologiques).

Ok ! Me direz-vous. On sait comment fonctionnent les particules et ça nous permet de fabriquer des super-machines-geek-de-la-mort-qui-tue, le reste on s’en fout !

Ben non ! L’être humain est curieux (sinon on serait encore dans nos cavernes) et du coup, comment et pourquoi, ça nous titille.

2-Bosons.

Les physiciens ont donc fabriqué une représentation qui tient la route (enfin presque) pour décrire le rôle et a place de chaque particule connue. On appelle ça le « modèle standard ». Chaque particule à sa place et une place pour chaque particule. Ce qui permet, par exemple, de conforter ou non les divers modèles d’évolution de l’univers ainsi que plein d’autres trucs sympa et incompréhensibles comme les brisures de symétries.

Dans ce modèle on trouve deux familles de particules (les physiciens qui me lisez, fermez les yeux je simplifie) : les fermions qui sont les composants de la matière (les quarks, à la base des neutrons et des protons, les électrons et les neutrinos) et les bosons (on y vient) qui véhiculent les champs.

Tout le monde a probablement entendu parler du champ électromagnétique. Le boson lié à ce champ est le photon. Quand vous allumez votre lampe (même basse consommation), c’est le photon qui se charge de diffuser tout ça. Il y a d’autres bosons liés aux autres forces fondamentales.

3-Unification.

Quand on parle de champ électromagnétique, il y a déjà une unification de fait : l’électricité et le magnétisme. Depuis de nombreuses années, les physiciens étudient l’hypothèse qu’à l’origine de l’univers les quatre forces fondamentales (électromagnétique, nucléaire faible, nucléaire forte, gravitation) n’en faisaient qu’une. Quand ils ont réussi à unifier l’électromagnétisme et la force nucléaire faible (appelée maintenant électrofaible), un gros problème est apparu : les calculs impliquaient que les particules devaient avoir une masse nulle. Pas de pot ! Le neutron, le proton, l’électron et même le neutrino (depuis peu) ont une masse.

Fallait-il revoir le modèle ?

4-La mélasse de Higgs.

Arrive monsieur Higgs (oui c’est le nom retenu mais je vais être honnête en citant tous les contributeurs : Brout-Englert-Higgs-Hagen-Guralnik-Kibble). L’hypothèse audacieuse est : « et si la masse n’était pas une propriété des particules mais un effet extérieur qui nous fait voir ça comme une masse ? »

J’explique ça à ma manière : plus on est lourd, plus on a du mal à se déplacer. Et du coup, quand on voit quelqu’un qui a du mal à se déplacer on se dit qu’il est lourd. Mais Jessica Alba au milieu de ses fans va certainement avoir du mal à se déplacer, sans être spécialement lourde.

Le champ de Higgs (champ = boson voir ci-dessus) est un peu comme une mélasse qui va ralentir certaines particules plus que d’autres. Ce ralentissement est perçu comme un accroissement de masse.

5-Le monde est sauvé.

Surtout celui des physiciens ! Bien qu’il existe un cent-millième de (mal)chance que le résultat soir erroné, cette découverte conforte des hypothèses, ce qui permet de progresser.

De plus, maintenant que l’on sait comment et où chercher, qui sait ce que nous réserve une analyse plus approfondie sur cette particule

Une ouverture sur la matière noire ?

Mais ça, c’est une autre histoire.