Avalon

Le film dont la musique est un personnage.

Comment décrire une œuvre d’art ? Donnons la parole à Mamoru Oshii le génial réalisateur d’Avalon :

« Lorsque l’on veut connaître la vérité sur un film, on a toujours tendance à interroger le réalisateur. Je ne suis pas persuadé que ce soit la bonne démarche. (…) Pour que la magie du cinéma opère, il faut que les spectateurs puissent se l’approprier. (…) Il n’est jamais possible de comprendre un film uniquement par des mots. Il n’y a que les critiques de cinéma pour vouloir le faire. (…) Je préfère que les spectateurs cherchent eux-mêmes les réponses aux problèmes soulevés par mes œuvres.»

Propos rapportés par Bertrand Rougier dans le fascicule inclus dans le DVD (Studio canal / desfilms).

Il est donc extrêmement difficile de monologuer sur Avalon. Mais puisque le dialogue par l’intermédiaire de ces lignes n’est pas plus simple je vais simplement vous livrer mes impressions à l’état brut.

Langues.

Si vous comprenez le japonais ça ne vous sera pas d’un grand secours pour la VO. Mamoru Oshhi a tourné son film avec des acteurs polonais.

Jeu.

Le moteur de l’intrigue est un jeu se situant dans une réalité virtuelle où les joueurs progressent de niveau en niveau. Le niveau de classe A paraissant de prime abord le plus élevé. On retrouve dans ce jeu les ingrédients classiques d’un jeu de rôles type « Donjons et Dragons ». Bien que son univers se situe dans un contexte de guerre moderne (chars d’assaut et grosses pétoires) on y fait référence aux classes de personnages « prêtre » et « guerrier ». Le titre « Avalon » est bien entendu tiré des légendes arthuriennes qui restent en filigrane de l’univers du film.

Personnages.

Il y a peu de personnages principaux mais ceux-ci sont tous parfaitement « léchés ». Pas de coquille vide, pas de faire-valoir : quelques images suffisent cependant à en faire un portrait complet et subtil qui rend chacun unique. Le déroulement de l’intrigue complète progressivement le passé de chacun d’eux, éclaire peu à peu leurs motivations et leurs comportements.

Virtuel / Réel.

Le monde du jeu est clairement identifié. Depuis les explosions plates qui se figent jusqu’aux personnages qui volent en « éclats » quand ils sont tués, il y a perpétuellement une distanciation du jeu par rapport à la vie réelle. Et pourtant ! Quel est donc ce monde où la nourriture des hommes ressemble à de la pâtée pour chien tandis que le chien de l’héroïne a droit à un plat cuisiné qui met l’eau à la bouche ? Un monde où seul les joueurs semblent vivants : le reste de l’humanité demeure figé dans l’immobile répétition des attitudes quotidiennes et routinières. Rien d’étonnant alors que certains joueurs préfèrent demeurer prisonniers de leur monde virtuel. Sommes nous si loin que cela de notre société et des « hard core gamer », des « no-life » ?

Couleurs / Lumière.

La plus grande partie de l’œuvre est métallique, teintée à l’ocre, contrastée dans un clair-obscur carcéral évoquant des films sombres de guerre ou de totalitarisme. Car enfin : à qui profite le jeu ?

Musique.

Vocale et orchestrale, la bande son est particulièrement prégnante et prenante. C’est au début de l’histoire un son qui soutient l’action au point de ne pouvoir en être dissocié. L’une des scène pourrait même constituer un clip à part entière. Puis, vers la fin, l’orchestre, le chœur, la soliste sont réellement présents, dépassant leur rôle de « décor » pour s’intégrer dans l’intrigue, tout comme les joueurs s’intègrent dans leur univers. C’est à cet instant que la distinction entre réel et virtuel devient ténue. Mais non pas à la manière de P.K.Dick qui excelle dans l’art de nous faire perdre nos points de repères. Il s’agit plutôt ici d’une progression dans la présence réelle de la virtualité, comme si chaque niveau supérieur du jeu avait bénéficié de nouveaux progrès techniques permettant au joueur une immersion encore plus totale.

Et l’ultime question est, bien entendu : y a-t-il encore un niveau supérieur ?

Chien.

La cerise sur le gâteau. J’ai pu constater en parlant du film avec un collègue qui l’avait vu, que ce détail lui avait échappé. Le chien est-il réel ou virtuel ? Représente-t-il une métaphore de la transition de ceux qui refusent de revenir en arrière ? Ce chien, nourri des denrées les plus chères disparaît (l ‘écuelle reste pleine)… pour réapparaître furtivement sur le siège passager d’une voiture (qui la conduit ?) dans un des niveaux du jeu. Cette courte séquence se place peu de temps avant le moment où l’on découvre l’orchestre (tiens tiens…).

Bon voyage dans l’univers d’Avalon.