Cosmologie

Et vous ? Vous le pensez comment l’univers dans lequel vous vivez ?

Quand on regarde l’histoire des sciences, on ne peut que constater l’évolution permanente de la pensée scientifique. Cela paraît évident : il faut bien que nos chercheurs transforment leur façon d’appréhender l’univers au fur et à mesure de leurs découvertes.

Qu’en est-il de l’homme de la rue ? Lui suffit-il d’utiliser les nouveaux objets issus du progrès technique pour imaginer l’univers autrement ? Ce n’est pas si sûr !

1-La géométrie toute puissante.

À la fin du 17e siècle, Newton publie sa Loi de la gravitation universelle. C’est une incitation à penser l’univers en termes de géométrie, c’est à dire : comme un objet qui peut se mesurer (à l’aide de l’espace et du temps). Il s’agit, à l’époque d’une véritable révolution de la pensée. On peut désormais prévoir le mouvement des planètes, des comètes…

C’est finalement une façon assez rassurante de concevoir le monde : on imagine aisément qu’il adviendra un jour où le comportement de l’univers entier pourra être calculé et prévu. C’est une question de temps, d’accroissement dans la précision des calculs.

C’est sans doute pour cette raison qu’il fallut moins d’un siècle pour que cette façon de penser fût adoptée par tout le monde. La loi de la gravitation fonctionnait à merveille (à de très rares exceptions près), et perdurera jusqu’au début du XXe siècle.

2-Le grand schisme.

Au début du XXe siècle donc, la physique est brusquement coupée en deux. D’une part avec la théorie de la relativité générale d’Einstein, d’autre part avec le développement de la mécanique quantique qui devint la physique quantique.

La relativité remplace la géométrie newtonienne. Il n’y a plus d’un côté l’espace et de l’autre le temps, mais l’espace-temps. Cette notion met à mal la notion de simultanéité. En effet, en ne peut plus dire qu’un événement se produit ailleurs en même temps qu’ici. L’information concernant l’événement qui s’est produit ailleurs n’est pas instantanée. Elle ne peut dépasser la vitesse de la lumière et ne nous parviens que plus tard. Lorsque l’information concernant les événements lointains nous parvient, ces événements font déjà partie du passé.

Quant à la physique quantique, si elle permet de mettre au point des appareils dont le grand public finira par se servir, elle reste hermétique pour la plupart d’entre nous. Comment concevoir que le monde dans lequel nous vivons n’est qu’un assemblage de vibrations plus ou moins statistiques ? Comment le concevoir alors que nous sentons sous nos doigts la rugosité d’une écorce ou la douceur de la peau d’une femme ?

On se retrouve un peu comme à l’époque de Newton sauf qu’on a deux théories au lieu d’une. Et chacune fonctionne très bien dans son domaine et a conduit au développement de choses aussi banales (aujourd’hui) que le GPS (relativité) ou l’ordinateur (physique quantique).

Si ces évolutions sont adoptées par la majorité des scientifiques, en revanche le grand public lui continue à penser en termes de temps d’un côté et d’espace de l’autre, et (en dehors de ceux qui ont lu Korsibsky ou Van Vogt) considèrent qu’une chaise est une chaise, et non pas un assemblage électronique et vibrant. Pour la vie courante, ça marche très bien.

Ce décalage entre la pensée scientifique et la pensée de l’homme de la rue s’accroit au fur et à mesure que les modèles qui permettent de comprendre l’univers deviennent plus complexes et n’est peut-être pas étranger à la perte d’autorité et de crédibilité des scientifiques. « Votre théorie, je ne la sens pas », entend-on dire parfois. Sans conteste le fossé se creuse.

D’autant que, même pour les scientifiques, les choses ne sont pas si simples.

3-Réconciliation impossible.

L’univers dans lequel nous vivons est censé être le même quelle que soit l’échelle à laquelle on l’observe. Nous-mêmes et les galaxies sommes formées des mêmes particules ou atomes. Et les atomes les plus lourds ont été formés dans le cœur des étoiles. Peut-ont dès lors se satisfaire d’expliquer cet univers de trois façons différentes : l’expliquer à grande échelle à l’aide de la relativité (qui ne fonctionne pas à l’échelle des particules), l’expliquer à l’échelle des particules à l’aide de la physique quantique (qu’on n’arrive pas à faire rejoindre la relativité) et dire qu’on se fout de l’une et de l’autre à notre échelle, car pour la majorité des choses de la vie courante Newton fonctionne très bien.

Autre épine dans le pied de la relativité (découverte confirmée dans les dix dernières années). Alors qu’on s’attendrait que la gravitation (force attractive) ait tendance à ralentir l’expansion de l’univers, c’est le contraire qui se passe : l’expansion s’accélère. Plusieurs théories s’affrontent, mais à ce jour il n’y pas de solution définitive. (Voir l’aticle – Noir c’est noir).

Pour terminer, la physique quantique fonctionne très bien puisqu’on en applique les résultats. Le seul problème est qu’on ne sait pas vraiment de quoi l’on parle ! On avait coutume de « voir » les atomes sous forme de billes microscopiques avec d’autres billes qui tournaient autour (les électrons). En physique quantique on n’utilise plus que des formules mathématiques (des fonctions d’onde) qu’il est impossible de se représenter visuellement. Qu’est-ce que la matière ? Des formules mathématiques ! Mais quand je reçois un pot de fleurs sur le crâne, je n’ai pas l’impression d’avoir été assommé par une formule mathématique. Il y a un réel fossé entre ce que je perçois du monde et les calculs qui expliquent comment il fonctionne.

Ce qui fait dire à Cédric Villani (médaille Fields 2010) : « Les astrophysiciens inventent des concepts qui sont juste des constats de non-compréhension » (Ciel & Espace mars 2013).

Il n’y a pas à dire : nous vivons une époque formidable !