Un millionième de seconde d’arc

Type : Nouvelle publiée en anthologie
Genre du recueil : SFFF
Couverture Manchu
Parution : mai 2012 / Deleatur (Sous la Cape)
Format : papier

Sommaire :

L’uchronie est un jeu…
Peut-être, les spécialistes du genre trouveront-ils ces propos uchronoclastes. Peut-être d’autres ne connaissent-ils pas le mot. Quoi qu’il en soit, cet ouvrage se propose de démontrer que l’uchronie (« le temps qui n’existe pas ») est un jeu littéraire qui consiste à réaiguiller l’histoire à un point de divergence possible (par exemple : les puissances de l’Axe ont gagné la Seconde Guerre mondiale, thème du roman de Philip K. Dick, le Maître du Haut-Château). Dans ce recueil, proposé par l’association ImaJn’ère, seize textes réinventent notre présent en triturant l’Histoire, celle avec un grand H, mais aussi la petite histoire, les petites histoires, celles qui auraient pu être, celles qui ne seront jamais.
Qu’ils soient comiques, dramatiques, émouvants, délirants… ces textes ne laissent pas indifférents.
Oui ! L’uchronie est un jeu.
Mais un jeu dont on ne sort pas intact.

Sans s’arrêter, Diane répondit par un geste suivi d’un sourire aux salutations de son collègue du Post. Ils marchaient tous deux d’un pas vif dans les couloirs de l’ONU, en direction du grand amphi où s’étaient réunis les représentants des Nations unies. Il ne s’agissait pas de l’endroit habituel, trop exigu pour cette circonstance exceptionnelle.
— On ne va pas être tous seuls, lança Ed.
La jeune femme ne répondit rien à cette évidence. Le motif de la convocation la préoccupait d’avantage que le nombre des journalistes se pressant vers la salle.
— C’est un canular, continua Ed, bavard impénitent. Comment pourraient-ils parler ?
— Je ne sais pas, murmura-t-elle en secouant ses courts cheveux bruns.
Depuis que l’information avait été diffusée, elle tentait en vain d’évacuer son malaise. Ne croyant pas à un canular impliquant l’ensemble des nations et la presse internationale, elle restait obnubilée par le pressentiment d’avoir à couvrir un événement qui pourrait bien faire la une du Figaro, accompagnée de sa signature.
— On l’aurait découvert avant, non ? Si…
— Boucle-la, Ed, s’il te plaît !
Elle accompagna son injonction d’un charmant sourire propre à le désarçonner. Elle le connaissait assez pour se permettre de couper court à ses travers agaçants. Malgré cela, son allure dégingandée d’ado mal dégrossi le rendait sympathique à ses yeux. Les deux journalistes demeurèrent silencieux jusqu’à leur entrée dans l’amphi.
En découvrant l’incroyable spectacle, Diane s’immobilisa. Les délégués nationaux occupaient les premières places, entourés par les hommes de la sécurité et par leurs gardes du corps personnels. Séparés d’eux par une dizaine de rangs inoccupés, journalistes, observateurs et spécialistes politiques se répartissaient jusqu’en haut des gradins. Sur le podium central, une créature de cinq à six mètres de haut observait calmement l’agitation humaine.
— Viens, Diane, la pressa Ed.
Ils se faufilèrent vers le haut de la salle où deux places libres les accueillirent. À peine furent-ils installés que la créature prit la parole d’une voix basse, puissante et rauque :
— Vous avez fait assez de bêtises, humains ! Aujourd’hui, c’est fini.Un murmure d’inquiétude roula sur les gradins.
— Oh ! My God ! Ils parlent vraiment ! murmura Ed, les yeux écarquillés.