Vol-au-vent de dentelles

Type : Nouvelle publiée en anthologie
Genre du recueil : Imaginaire
Anthologie dirigée par : Corinne Guitteaud
Couverture Céline Simoni
Parution : octobre 2017 / Editions Voy'[el]
Format : papier

Sommaire :

Ces auteurs ont permis aux Éditions Voy’el de continuer de voler de leurs propres ailes. Venez découvrir leurs nouvelles qui vous proposent des histoires fantastiques, épiques, magiques, tragiques et parfois même horrifiques. Laissez-vous emporter par leur imagination à travers les quinze récits qu’offre cette anthologie.

« Vous connaissez aussi bien que moi la liste des maladies génétiquement transmissibles, poursuivit le directeur. La description de certains symptômes, même avec le vocabulaire des époques étudiées, a permis au département d’approfondir nos connaissances en remontant plus loin que les débuts de la génétique. »
Jonsked rabattit sur son crâne chauve l’unique mèche qui lui restait, et qu’il mettait un point d’honneur à ne pas couper. Puis se pencha vers le menton de Vergaï.
« Mais de ce fait, le DAS a mis en évidence de façon collatérale, un aspect auquel nous n’avions pas pensé. Savez-vous pourquoi nos ancêtres avaient tort ? »
Vergaï fronça les sourcils. Elle connaissait trop bien les méthodes de Jonsked, et avait une envie furieuse d’interrompre ses explications fumeuses.
« Dites-moi seulement quand vous m’envoyez.
— Début XVIIe. »
Cool ! Ça va me faire de vraies vacances, songea-t-elle. Puis elle réalisa. De la génétique au XVIIe siècle ?
Il n’y a rien de plus érotique que la lingerie féminine. Nul besoin d’être fétichiste pour apprécier cette évidence. En conséquence, pourquoi s’obstiner à passer de l’autre côté des rideaux de velours qui masquent l’entrée des sex-shops au contenu douteux, alors que les vitrines de sous-vêtements offrent librement au regard de quoi enflammer l’imagination la plus limitée ? Il n’est même pas nécessaire qu’un mannequin de plastique aux formes convenues vous présente petites culottes, porte-jarretelles, soutien-gorge, bustiers et autres guêpières : l’objet se suffit à lui-même !
Malgré tout, le comportement d’un homme en contemplation devant ce type de magasin reste soumis à la réprobation de la population bien pensante. Combien de fois n’ai-je pas vu s’allumer l’étiquette « pervers » dans les yeux de personnes qui, par ailleurs, s’émerveilleront sans sourciller devant des nus grecs, ou peut-être même en face de la très controversée Origine du monde de Courbet ?
Pour moi, il n’y a nulle perversité à admirer des œuvres d’art, car c’est bien de cela qu’il s’agit, et certaines marques de sous-vêtements l’ont bien compris, si j’en juge par l’exquise sensualité de leurs publicités. Cependant, les corps des femmes qui se prêtent au jeu de la promotion commerciale, ont pour effet de restreindre la liberté d’imaginer. On nous impose les canons de la beauté, mais en fonction de quels critères ? En vertu de quoi devrais-je apprécier des seins de tel volume ou des fesses de telle rondeur ? Je refuse d’être le jouet de la statistique culturelle, et préfère combler le vide des dentelles présentées en vitrine par des formes directement issues de mes passions.
Personne n’a le droit de m’infliger sa vision de la femme idéale, car l’idéal est fantôme. L’idéal est comme le vent, il fait pression sur votre corps, mais reste insaisissable.